Vision pour une agriculture locale de Plantes Médicinales utilisées en Herboristerie Traditionnelle Chinoise.

Note : cet article a été édité spécialement d’après le contenu du présent site, afin de le rendre plus synthétique, pour être inclus dans l’édition de février 2023 de la revue « L’actualité de la Médecine Chinoise » publiée par L’Union Française des Professionnels de Médecine Traditionnelle Chinoise (UFPMTC). Nous en donnons ici une version complète à titre de dossier de presse.

Lors du dernier congrès de la Confédération Française de Médecine Traditionnelle Chinoise, les adhérents ont pu découvrir un nouveau stand parmi les exposants, proposant des pots ou des graines de plantes médicinales à cultiver chez soi. Au delà de ce premier aspect pratique, les animateurs du stand proposaient également de participer à un projet collectif d’agriculture de plantes médicinales.

Ce projet a mûrit depuis plusieurs années à partir d’un ensemble de plantes utilisées en Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) rassemblées et multipliées au fil du temps à la Pépinière des Carlines1 . Commencée comme une mise pratique expérimentale des cours théoriques, cette collection rassemble aujourd’hui des praticiens partageant le souhait d’une forme d’autonomie et de résilience de leur pratique clinique. Un groupe s’organise actuellement en réseau inter-professionnel afin de promouvoir la culture, en France et en Europe, de plantes médicinales de haute qualité utilisables en MTC. Nous partageons ici notre vision du projet qui, reste à ce stade de l’écriture (octobre 2022), ouverte à la participation de chaque personne bénévole souhaitant y prendre part.

Ce réseau coordonnera la collaboration entre des associations de paysans et de praticiens de médecines traditionnelles, des universités et des laboratoires spécialisés. Après une phase d’expérimentation et d’acquisition de connaissances, leur multiplication et leur production dans un contexte d’agriculture paysanne de Plantes Aromatiques et Médicinales (PAM) pourrait permettre d’aboutir au développement d’une filière agricole de plantes médicinales asiatiques traditionnelle, innovante, durable et résiliente.

Créer et organiser la structure associative

Le projet du « Réseau PAM-MTC » dépasse donc le simple monde agricole, et s’ouvre à la participation de participants inter-disciplinaires qui peuvent chacun apporter une aide précieuse à l’aboutissement de cette vision d’avenir : traducteurs, enseignants, thérapeutes, pharmaciens, jardiniers amateurs, etc.

Les premières étapes, consistent à créer une association loi 1901, communiquer autour du projet afin de rassembler les futurs acteurs autour d’une vision commune et mettre en place des groupes de travail.

Des ressources à rassembler

Si les praticiens ont désormais accès à de nombreux ouvrages de matière médicale en français, concernant l’utilisation clinique des herbes, il existe peu de sources accessibles présentant en détails les références botaniques actualisées des ces plantes, ou les méthodes de culture, de cueillette et de transformation afin d’aboutir aux produits médicinaux décrits2. Un véritable travail de rassemblement de connaissances éparses reste à effectuer pour permettre aux jardiniers et cultivateurs intéressés de s’appuyer sur des repères pragmatiques.

Un protocole expérimental

L’établissement de protocoles de culture sur des parcelles-test destinés à valider la qualité médicinale des plantes cultivées localement est un préliminaire indispensable avant de pouvoir potentiellement lancer une culture à l’échelle commerciale. D’une part, il important d’apprendre à connaître ces plantes en temps qu’êtres vivants, et leur besoins en matière de sol, climat, précipitations, etc. dont on sait qu’ils influencent leurs caractéristiques finales. D’autre part, une analyse des récoltes obtenues sur différents terroirs est nécessaire pour valider leur adéquation avec les standards utilisés aujourd’hui par les distributeurs spécialisés. Ces deux aspects, s’ils sont concluants, permettront peut-être un jour de pouvoir proposer de nouvelles cultures commerciales aux réseaux locaux de cultivateurs de PAM.

Un conservatoire botanique

Afin de sélectionner et multiplier des plantes produisant des récoltes d’herbes médicinales de qualité, nous devrons conserver une diversité génétique suffisamment riche dans chaque espèce de manière à préserver une population résiliente pour résister aux accidents de parcours culturaux et autres incidents climatiques. Le fonctionnement en « Maison des Semences » permettra une gestion collective et répartie des ressources phyto-génétiques, tout en organisant la multiplication des plantes dans de bonnes conditions, afin de fournir aux cultivateurs des plantes issus de pieds-mères sélectionnés pour à fort potentiel médicinal.

Des jardins pédagogiques :

Un réseau de jardins botaniques dédiés, ou incluant une thématique spécifique, permettra de diffuser la connaissance botanique et les savoirs traditionnels, promouvoir auprès des praticiens et étudiants les ressources locales, parfois différentes des standards classiques, et leur mode d’association avec les ressources importées plus classiques.

Organiser une filière de production et de distribution

Mettre les différents acteurs en relation dans un réseau rassemblant producteurs paysans, distributeurs, enseignants et praticiens permettra la mise en place d’une filière professionnelle cohérente.

La question de la rentabilité économique face à l’actuel prix du marché chinois est également au centre des préoccupations. Étudier et expérimenter des modes de préparation alternatifs (formes galéniques différentes) permettrait éventuellement de compenser un coût de production plus élevé.

Il est évidemment impossible de remplacer toute de la pharmacopée traditionnelle chinoise par des cultures locales, et ce n’est pas l’objectif. Toutefois, une partie des plantes listées (le plus souvent des plantes « secondaires » ou d’usage spécifique) disponibles naturellement dans nos territoires ne sont pas toujours enseignées dans les formations françaises. Par ailleurs, la disponibilité ou la qualité d’herbes importées peut chuter en période de crise, et entraver l’efficacité potentielle des savoir-faire cliniques. En contrepartie de tout cela, il émerge actuellement des tentatives d’utilisation d’herbes occidentales en équivalence avec la MTC, reposant sur des théories sous-jacentes diverses et encore non-unifiées.

Jeunes pousses de Atractylodes lanceaCāng Zhù (苍术), plante médicinale encore méconnue en culture.

Vision et échéances de la mise en place du réseau.

Face à ces différents constats, nous souhaitons proposer une vision polyvalente où les plantes locales, cultivées ou sauvages, pourrait compléter les plantes exotiques en cas de besoin, dans optique de résilience clinique et écologique. Cela nécessite certainement encore quelques années de recherche et de tests cliniques, mais la tendance est indéniable et la demande forte au niveau de certains praticiens et étudiants. Pour pouvoir un jour utiliser intelligemment et collectivement ces plantes locales, en plus de diffuser l’information auprès des structures paysannes, il est urgent de favoriser la communication des aspects théoriques aux enseignants et praticiens.

Le processus d’accomplissement des objectifs du Réseau PAM-MTC pourra suivre plusieurs voies parallèles et interconnectées (cf. schéma) :

– La Voie de la Connaissance afin de transmettre les savoirs écrits et théoriques puisés à la source (Chine, Japon, etc.) via les traducteurs et enseignants-chercheurs à destination des étudiants et des expérimentateurs.

– La Voie de l’Agriculture pour véhiculer de manière tangible les ressources végétales vivantes, et permettre la sélection et la multiplication des souches médicinales via les cultivateurs et les transformateurs à destination des distributeurs.

– La Voie de l’Expérimentation pour éprouver la qualité des ressources végétales via les cultures-test et les laboratoires et les mettre en adéquation avec les besoins des praticiens.

– La Voie du Commerce permettra enfin de distribuer les produits transformés et rémunérer l’ensemble de ces acteurs de manière équitable via les distributeurs.

Comment participer au réseau ?

Ce réseau a plusieurs axes de travail parallèles, en particulier en terme de recherche et de vie associative, qui permettent d’y jouer un rôle bienvenu selon vos compétences, sans nécessairement être professionnel.

Plusieurs profils et compétences sont recherchés :
traducteurs chinois-français pour rechercher et traduire des sources dans les domaines de l’agriculture, la pharmacognosie, la botanique et l’écologie, ou éditer et publier des articles sur les plantes, leur histoire et leurs lieux d’origines ;
cultivateurs de PAM et autres agriculteurs, animateur de jardin partagé ou de jardin botanique, simple jardinier avec une surface disponible à la plantation (10m² ou plus), pour semer, planter et observer les herbes médicinales ;
enseignants et chercheurs, pharmacien, laboratoires d’analyse des substances médicinales pour l’expérimentation et la recherche clinique ;
animateurs réseau, photographe, écrivain, administrateur réseau et site web, comptable ou juriste, etc. pour soutenir la vie associative, animer la vie du réseau ou organiser des événements (visites, formations, etc.).

Pour plus d’info et contact : https://pam-mtc.org

1 https://pepinieredescarlines.com

2 À l’exception partielle et notable de l’ouvrage de B. Auteroche, M. Auteroche / M. Demont, Éd. Maloine, 1992 I.S.B.N. 2-224-02007-4.

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